dimanche 24 août 2014

Analyse du roman " la boite a merveille "

La boite à merveilles

  • Résumé (3 résumés différents)
  • Autobiographie de l’auteur
  • Schéma narratif
  • Personnages principaux de l’œuvre
  • Analyse de l’oeuvre
  • L’objectif de  » La boite à merveilles dans l’oeuvre
  • La structure de l’œuvre
  • Le système des personnages
  • Activités de langue (Le temps du récit, études de l’incipit)

Résumé général de l’œuvre (1) :

L’auteur-narrateur personnage raconte son enfance alors qu’il avait six ans. Par un va et vient entre le point de vue de l’auteur-narrateur adulte et de l’auteur-narrateur enfant , le lecteur entre dans le monde solitaire du narrateur qui malgré quelques timides amitiés ne semble compter comme véritable ami que la boite à merveilles. En faisant le bilan de son enfance, l’auteur raconte ses journées au Msid auprès du fqih et de ses condisciples (=collègues), la maison de Dar Chouafa et les habitudes de ses habitants ainsi que le souvenir de fierté de sa mère concernant ses origines et son habitude à passer du rire aux larmes en plus de son art de conter les événements d’une façon qui passionnait son auditoire. De part son genre, le récit reste un véritable témoignage du vécu de ses personnages par la fréquence des noms de quartier qui constituent une véritable cartographie géographique. La figure calme du père est mise à rude épreuve dans le marché des bijoux quand il vient aux mains avec le courtier avant d’acheter les bracelets or et argent à sa femme.Cet incident précède l’annonce de la perte du capital dans le souk des haïks ce qui fait basculer le niveau de vie de la famille dans la pauvreté. Après avoir assuré le quotidien de sa famille, le père part aux environs de Fès pour travailler comme moissonneur. Après un mois d’absence, il rentre chez lui pour apprendre le divorce de Moulay Larbi avec sa seconde épouse, la fille du coiffeur, ce qui lui permet d’exprimer son soulagement quant à ce dénouement.

Autre résumé

Ahmed Sefrioui, ou Sidi Mohammed, évoque son enfance passée à l’ancienne Médina de Fes. Il menait une vie tranquille auprès de sa mère, femme au foyer, et son père, tisserand.Il a consacré une bonne partie du livre à parler des voisins, des amis de la famille, de leurs habitudes, de leur problèmes et de leur vie quotidienne, et particulièrement de Lalla Aicha, la meilleure amie de sa mère, qui a souffert à cause de son mari ingrat. La paisibilité de la vie de cet enfant de six ans fut troublée par la perte de la bourse de son père, une bourse qui contenait tout son capitale. Ce qui obligea le père de la famille à travailler dans les champs pour pouvoir reprendre ton travail.Pendant son absence, la mère et l’enfant visitaient quotidiennement des mausolées pour demander aux saints de leurs rendre le père sain et sauf.Leur voeux fut exaucé un mois après le départ du père, ensuite les choses s’arrangèrent petit à petit.Au milieu de tous ces événements, la boite à merveilles que possédait Sidi Mohammed jouait un rôle très important, elle lui représentait un véritable réconfort quand il avait des ennuies, c’était synonyme d’accès à son propre monde.

Résumé chapitre par chapitre

L’hiver
Chapitre I:
Dar Chouafa Deux éléments déclenchent le récit : la nuit et la solitude. Le poids de la solitude. Le narrateur y songe et part à la recherche de ses origines : l’enfance.Un enfant de six ans, qui se distingue des autres enfants qu’il côtoie. Il est fragile, solitaire, rêveur, fasciné par les mondes invisibles. A travers les souvenirs de l’adulte et le regard de l’enfant, le lecteur découvre la maison habitée par ses parents et ses nombreux locataires. La visite commence par le rez-de-chaussée habité par une voyante. La maison porte son nom : Dar Chouafa. On fait connaissance avec ses clientes, on assiste à un rituel de musique Gnawa, et on passe au premier où Rahma, sa fille Zineb et son mari Aouad, fabricant de charrues disposaient d’une seule pièce. Le deuxième étage est partagé avec Fatma Bziouya. L’enfant lui habite un univers de fable et de mystère, nourri par les récits de Abdellah l’épicier et les discours de son père sur l’au-delà. L’enfant de six ans accompagne sa mère au bain maure. Il s’ennuie au milieu des femmes, Cet espace de vapeur, de rumeurs, et d’agitation était pour lui bel et bien l’Enfer. Le chapitre se termine sur une sur une querelle spectaculaire dont les acteurs sont la maman de l’enfant et sa voisine Rahma.
Chapitre II
Visite d’un sanctuaire Au Msid, école coranique, l’enfant découvre l’hostilité du monde et la fragilité de son petit corps. Le regard du Fqih et les coups de sa baguette de cognassier étaient source de cauchemars et de souffrance. A son retour, il trouve sa mère souffrante. La visite que Lalla Aicha, une ancienne voisine, rend ce mardi à Lalla Zoubida, la mère de l’enfant, nous permet de les accompagner au sanctuaire de Sidi Boughaleb. L’enfant pourra boire de l’eau de sanctuaire et retrouvera sa gaieté et sa force. L’enfant découvre l’univers du mausolée et ses rituels. Oraisons, prières et invocations peuplaient la Zaouia. Le lendemain, le train train quotidien reprenait. Le père était le premier à se lever. Il partait tôt à son travail et ne revenait que tard le soir. Les courses du ménage étaient assurées par son commis Driss. La famille depuis un temps ne connaissait plus les difficultés des autres ménages et jouissait d’un certain confort que les autres jalousaient.
Chapitre III:
Le repas des mendiants aveugles Zineb, la fille de Rahma est perdue. Une occasion pour lalla Zoubida de se réconcilier avec sa voisine. Tout le voisinage partage le chagrin de Rahma. On finit par retrouver la fillette et c’est une occasion à fêter. On organise un grand repas auquel on convie une confrérie de mendiants aveugles. Toutes les voisines participent à la tâche. Dar Chouafa ne retrouve sa quiétude et son rythme que le soir. Le printemps Chapitre IV: -Les ennuis de Lalla Aicha Les premiers jours du printemps sont là. Le narrateur et sa maman rendent visite à Lalla Aicha. Ils passent toute la journée chez cette ancienne voisine. Une journée de potins pour les deux femmes et de jeux avec les enfants du voisinage pour le narrateur. Le soir, Lalla Zoubida fait part à son mari des ennuis du mari da Lalla Aîcha, Moulay Larbi avec son ouvrier et associé Abdelkader. Ce dernier avait renié ses dettes et même plus avait prétendu avoir versé la moitié du capital de l’affaire. Les juges s’étaient prononcés en faveur de Abdelkader. L’enfant, lui était ailleurs, dans son propre univers, quand ce n’est pas sa boîte et ses objets magiques, c’est le légendaire Abdellah l’épicier et ses histoires. Personnage qu’il connaît à travers les récits rapportés par son père. Récits qui excitèrent son imagination et l’obsédèrent durant toute son enfance. Chapitre V : L’école coranique. Journée au Msid. Le Fqih parle aux enfants de la Achoura. Ils ont quinze jours pour préparer la fête du nouvel an. Ils ont congé pour le reste de la journée. Lalla Aîcha , en femme dévouée, se dépouille de ses bijoux et de son mobilier pour venir au secours de son mari. Sidi Mohamed Ben Tahar, le coiffeur, un voisin est mort. On le pleure et on assiste à ses obsèques. Ses funérailles marquent la vie du voisinage et compte parmi les événements ayant marqué la vie d de l’enfant.
Chapitre VI :
Préparatifs de la fête. Les préparatifs de la fête vont bon train au Msid. Les enfants constituent des équipes. Les murs sont blanchis à la chaux et le sol frotté à grande eau. L’enfant accompagne sa mère à la Kissaria. La fête approchait et il fallait songer à ses habits pour l’occasion. Il portera un gilet, une chemise et des babouches neuves. De retour à la maison, Rahma insiste pour voir les achats fait à la Kissaria.Le narrateur est fasciné par son récit des mésaventures de Si Othman, un voisin âgé, époux de Lalla Khadija, plus jeune que lui.
Chapitre VII :
La fête de l’Achoura. La fête est pour bientôt. Encore deux jours. Les femmes de la maison ont toutes acheté des tambourins de toutes formes. L’enfant lui a droit à une trompette. L’essai des instruments couvre l’espace d’un bourdonnement sourd. Au Msid, ce sont les dernières touches avant l e grand jour. Les enfants finissent de préparer les lustres. Le lendemain , l’enfant accompagne son père en ville. Ils font le tour des marchands de jouets et ne manqueront pas de passer chez le coiffeur. Chose peu appréciée par l’enfant. Il est là à assister à une saignée et à s’ennuyer des récits du barbier. La rue après est plus belle, plus enchantée. Ce soir là, la maison baigne dans l’atmosphère des derniers préparatifs. Le jour de la fête, on se réveille tôt, Trois heures du matin. L’enfant est habillé et accompagne son père au Msid célébrer ce jour exceptionnel. Récitation du coran, chants de cantiques et invocations avant d’aller rejoindre ses parents qui l’attendaient pour le petit déjeuner. Son père l’emmène en ville. A la fin du repas de midi, Lalla Aicha est là. Les deux femmes passent le reste de la journée à papoter et le soir, quand Lalla Aicha repart chez elle, l’enfant lassé de son tambour et de sa trompette est content de retrouver ses vieux vêtements. L’été.
Chapitre VIII :
Les bijoux du malheur. L’ambiance de la fête est loin maintenant et la vie retrouve sa monotonie et sa grisaille. Les premiers jours de chaleur sont là. L’école coranique quitte la salle du Msid, trop étroite et trop chaude pour s’installer dans un sanctuaire proche. L’enfant se porte bien et sa mémoire fait des miracles. Son maître est satisfait de ses progrès et son père est gonflé d’orgueil. Lalla Zoubida aura enfin les bracelets qu’elle désirait tant. Mais la visite au souk aux bijoux se termine dans un drame. La mère qui rêvait tant de ses bracelets que son mari lui offre, ne songe plus qu’a s’en débarrasser. Ils sont de mauvais augure et causeraient la ruine de la famille. Les ennuis de Lalla Aicha ne sont pas encore finis. Son mari vient de l’abandonner. Il a pris une seconde épouse, la fille de Si Abderahmen, le coiffeur. Si l’enfant se consacre avec assiduité à ses leçons, il rêve toujours autant. Il s’abandonne dans son univers à lui, il est homme, prince ou roi, il fait des découvertes et il en veut à mort aux adultes de ne pas le comprendre. Sa santé fragile lui joue des tours. Alors que Lalla Aîcha racontait ses malheurs, il eut de violents maux de tête et fut secoué par la fièvre. Sa mère en fut bouleversée.
Chapitre IX :
Un ménage en difficulté. L’état de santé de l’enfant empire. Lalla Zoubida s’occupe de lui nuit et jour. D’autres ennuis l’attendent. Les affaires de son mari vont très mal. Il quitte sa petite famille pour un mois. Il part aux moissons et compte économiser de quoi relancer son atelier. L’attente, la souffrance et la maladie sont au menu de tous les jours et marquent le quotidien de la maison. Lalla Zoubida et Lalla Aicha, deux amies frappées par le malheur, décident de consulter un voyant, Sidi Al Arafi.
Chapitre X :
Superstitions. Les conseils , prières et bénédictions de Sidi Al Arafi rassurèrent les deux femmes. L’enfant est fasciné par le voyant aveugle. Lalla Zoubida garde l’enfant à la maison. Ainsi, elle se sent moins seule et sa présence lui fait oublier ses malheurs. Chaque semaine, ils vont prier sous la coupole d’un saint. Les prédications de Sidi A Arafi se réalisent. Un messager venant de la compagne apporte provisions, argent et bonne nouvelles de Sidi Abdesalam. Lalla Aicha invite Lalla Zoubida. Elle lui réserve une surprise. Il semble que son mari reprend le chemin de la maison.
Chapitre XI :
Papotage de bonnes femmes. Thé et papotage de bonnes femmes au menu chez Lalla Aicha. Salama, la marieuse, est là. Elle demande pardon aux deux amies pour le mal qu’elle leur a fait. Elle avait arrangé le mariage de Moulay Larbi. Elle explique que ce dernier voulait avoir des enfants. Elle apporte de bonnes nouvelles. Plus rien ne va entre Moulay Larbi et sa jeune épouse et le divorce est pour bientôt. Zhor, une voisine, vient prendre part à la conversation. Elle rapporte une scène de ménage. Le flot des potins et des médisances n’en fint pas et l’enfant lui , qui ne comprenait pas le sens de tous les mots est entraîné par la seule musique des syllabes.
Chapitre XII :
Un conte de fée a toujours une chute heureuse. La grande nouvelle est rapportée par Zineb. Maâlem Abdslem est de retour. Toute la maison est agitée. Des you you éclatent sur la terrasse Les voisines font des vœux. L’enfant et sa mère sont heureux . Driss, est arrivé à temps annoncer que le divorce entre Moulay Larbi et la fille du coiffeur a été prononcé. La conversation de Driss El Aouad et de Moulay Abdeslem, ponctuée de verres de thé écrase l’enfant. Il est pris de fatigue mais ne veut point dormir. Il se sent triste et seul. Il tire sa Boite à Merveille de dessous son lit, les figures de ses rêves l’y attendaient. Fin.

Fiche de lecture:

Titre: La boîte à merveille
Genre: Roman
Auteur: Ahmed Sefrioui
Date de parution: 1954
Edition: Librairie des Ecoles.

L’auteur

Ahmed Sefrioui, écrivain marocain, est né en 1915 à Fès . C’est l’un des premiers fondateurs de la littérature marocaine d’expression française. Passionné de patrimoine, il a occupé des postes administratifs aux Arts et Métiers de Fès, puis à la direction du tourisme à Rabat. Il sera à l’origine de la création de nombreux musées comme Batha, Oudaya et Bab Rouah. Il est mort en mars 2004.

Ses œuvres

Le Chapelet d’ambre (Le Seuil, 1949) : son premier roman où il évoque Fès (il obtient le grand prix littéraire du Maroc, pour la première fois attribué à un Marocain).La boîte à merveille (Le Seuil, 1954) : La ville de Fès vue à travers le regard du petit Mohammed. Ce roman ethnographique apparaît comme le texte inaugural de ce qui est aujourd’hui la littérature marocaine d’expression française. La Maison de servitude (SNED, Algérie, 1973). Le jardin des sortilèges ou le parfum des légendes (L’Harmattan, 1989)

L’histoire

La Boîte à Merveille La symphonie des trois saisons… Premier roman de Sefrioui, La boîte à merveille, une suite de scènes et de tableaux, raconte la vie quotidienne d’une famille populaire dans la vieille ville de Fès. Dès son ouverture, le roman ne manque pas d’installer une ambiance exotique. Un regard pittoresque sur un monde plein de tendresse, de couleurs et de parfums, qui ne manque pas d’ambiguïté sur le sens du récit. C’est bel et bien un album, pour reprendre l’expression du narrateur, dont le lecteur tournera les pages. Un album haut en couleurs qui nous fera parcourir trois saisons et nous mènera de découverte en découverte, explorer la société marocaine du début du XXème siècle : mode de vie, traditions, rituels et vision du monde. D’avoir masqué la réalité politique de l’époque, laisse entrevoir un parfum d’exotisme et fait penser à un film documentaire d’ethnographe.

Schéma narratif

Etat initial
L’auteur-narrateur personnage vit avec ses parents. Rien ne perturbe sa vie heureuse. Cette phase occupe une place importante dans le récit (Ch. I jusqu’au Ch. VIII). L’ampleur de cette étape traduit la félicité dans laquelle baigne le petit enfant. D’ailleurs, il est plongé dans un monde merveilleux. -Elément perturbateur : Ce qui trouble cette félicité c’est la ruine du père qui a perdu son capital : l’argent qu’il portait sur lui est tombé quelque part dans un souk. -Péripéties : Le voyage du père à la campagne, où il exerce un travail pénible afin de pouvoir amasser de l’argent nécessaire pour se rétablir dans son atelier. (Ch. VIII, IX, X, XI). Le congé accordé au petit qui ne va pas à l’école coranique à cause de sa faiblesse. La tristesse de la mère qui se rend aux mausolées et consulte les voyants.
Dénouement : Le retour du père.
Situation initiale
Le retour de l’équilibre : le bonheur. La réouverture par le petit de sa boite à Merveilles.

Personnages principaux de l’œuvre

Je
C’est l’auteur-narrateur-personnage. Il est le fils de lalla Zoubida et de Sidi Abdeslem. Il s’appelle Sidi Mohamed.âgé de six ans, il se sent seul bien qu’il aille au M’sid. Il a un penchant pour le rêve. C’est un fassi d’origine montagnarde qui aime beaucoup sa boite à Merveilles, contenant des objets mêlés. Il souffre de fréquentes diarrhées.
La boite à merveille
Le véritable ami du narrateur. Elle contenait des boules de verre, des anneaux de cuivre, un minuscule cadenas sans clef, des clous à tête dorée, des encriers vides, des boutons décorés, des boutons sans décor, un cabochon (=bouchon en verre ou en cristal de forme arrondie) de verre à facettes offert par Rahma et une chaînette de cuivre rongée de vert-de-gris offerte par Lalla Zoubida et volée par le chat de Zineb.
Lalla Zoubida
La mère du narrateur. Une femme qui prétend être la descendante du prophète et s’en vante (s’en flatte). Elle croit aux superstitions. Ses yeux reflètent une âme d’enfant ; elle a un teint d’ivoire, une bouche généreuse et un nez court. Elle n’est pas coquette. Agée de vingt-deux ans, elle se comporte comme une femme vieille.
Sidi Abdeslem
Le père du narrateur, homme d’origine montagnarde. Il s’installe à Fès avec sa famille après avoir quitté son village natal situé à une cinquante de kilomètre de la ville. Il exerce le métier de tisserand (=fabriquant des tissus) Grâce à ce métier, il vit à l’aise. Homme fort et de haute taille. Un homme barbu que le fils trouve beau. Il a la quarantaine.
La chouaffa
Voyante, c’est la principale locataire de Dar Chouaffa et on l’appelle tante kanza.
Dris El Aouad
C’est un fabriquant de charrues. Il est époux de Rahma. Il a une fille âgée de sept ans qui s’appelle Zineb.
Fatma Bziouya
Elle partage avec la famille du narrateur le deuxième étage, son mari Allal est jardinier.
Abdelleh
Il est épicier. Le narrateur lui attribue toutes les histoires merveilleuses qu’il a eu l’occasion d’entendre.
Le fqih du Msid
Maître de l’école coranique. Il somnole pendant que les écoliers récitent les versets du Coran. Il distribue des coups de baguette au hasard.Un grand maigre à barbe noire, dont les yeux lançaient des flammes de colère et qui habitait rue Jiaf.
Lalla Aicha
Une ancienne voisine de lalla Zoubida, c’est une Chérifa qui a su rester digne malgré les déception du sort et dont la connaissance flattait l’orgueil de lalla Zoubida.
Driss le teigneux
Fidèle serviteur de Sidi Abdessalem, il garnissait (= remplissait) les canettes et faisait les commissions.

Lien source:

http://www.9rayti.com/contenu/la-boite-merveilles-analyse

Analyse du roman "Antigone"



 BIOGRAPHIE DE JEAN ANOUILH
Jean Anouilh est un écrivain et dramaturge français, né le 23 juin 1910 à Bordeaux (Gironde) et mort le3 octobre 1987 à Lausanne (Suisse).
Il est l'auteur de nombreuses pièces de théâtre, sa plus célèbre étant Antigone, relecture moderne de la pièce deSophocle.
Les premières œuvres
En 1932, Jean Anouilh fait représenter sa première pièce, Humulus le muet, écrite en collaboration avec Jean Aurenche en 1929. C'est un échec. Elle est suivie quelques mois plus tard de ce qu'il qualifie comme « sa première vraie pièce » : L'Hermine. Il connaît son premier grand succès en 1937 avec Le Voyageur sans bagage au théâtre des Mathurins. Les acteurs principaux sont Georges et Ludmilla PitoëffDarius Milhaud en écrit la musique de scène, sous forme de Suite pour violon, clarinette et piano (op.157b).
En 1938, il obtient un nouveau succès critique et public avec la création du Bal des voleurs et inaugure sa collaboration avec André Barsacq, qui sera son principal interlocuteur et metteur en scène, pendant plus de quinze ans.
Antigone et l'Occupation
C'est en pleine Occupation allemande qu'est créée Antigone, le 4 février 1944 au théâtre de l'Atelier dans une mise en scène d'André Barsacq.
Bien qu'il n'ait officiellement pris position ni pour la Collaboration ni pour la Résistance, Anouilh « L'Antigone de Sophocle, lue et relue et que je connaissais par cœur depuis toujours, a été un choc soudain pour moi pendant la guerre, le jour des petites affiches rouges. Je l'ai réécrite à ma façon, avec la résonance de la tragédie que nous étions alors en train de vivre ».[  Inspirée du mythe antique en rupture avec la tradition de la tragédie grecque, le personnage d’Antigone (interprété par Monelle Valentin) devient l'allégorie de la Résistance s'opposant aux lois édictées par Créon / Pétain qu'elle juge iniques. Alors que la première est un échec, Antigone deviendra avec le temps l'œuvre la plus emblématique (et la plus jouée) de l'auteur.
À la Libération, Anouilh s'érige contre l'épuration. Tentant de sauver la tête de Robert Brasillach, au même titre que 50 personnalités dont Albert CamusFrançois MauriacPaul Valéry ou Colette, il écrit en 1945 : « J'avoue avoir une certaine compassion pour les vaincus et redoute les excès de l'épuration ».[réf. nécessaire] Des écrits plus tardifs exprimeront ce même rejet[3].
Une carrière prolifique
Cette section est vide, pas assez détaillée ou incomplète. Votre aide est la bienvenue !
En 1946Roméo et Jeannette est mis en scène par André Barsacq ; il s'agit de la première pièce interprétée parMichel Bouquet qui deviendra l'acteur-fétiche d'Anouilh, mais aussi par Jean Vilar et Maria Casarès.
Par la suite, la fécondité de l'auteur ne tarit plus. La carrière d'Anouilh sera accompagnée de nombreux succès pendant une vingtaine d'année dont L'Invitation au châteauL'AlouettePauvre Bitos ou le Dîner de têtes et Beckett ou l'Honneur de Dieu. En revanche parmi les échecs, on peut citer La Grotte en 1961.

 

Nouvelles pièces noires (1946)

Jézabel (1932), Antigone (1944), Roméo et Jeannette (1946), Médée (1946).

L'Antigone classique, contrastant avec « la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux » d'Anouilh.
Dans l'univers noir d'Anouilh, il y a deux sortes d'hommes qui s'affrontent, « les gens pour tous les jours » et « les héros ».
La race nombreuse des « gens pour tous les jours » comprend deux catégories assez distinctes. D'abord les fantoches, égoïstes et mesquins, plats et vulgaires, vicieux et méchants, contents d'eux-mêmes et de la vie ; ce sont, dans la plupart des cas, les pères et les mères des héros. Ensuite, il y a le groupe des gens dignes et intelligents, mais incapables de grandes aspirations, faits pour une vie tranquille, sans complications.
Les « héros », jeunes pour la plupart, s'opposent également à ces deux groupes nombreux, en rejetant le bonheur commun où ceux-ci se complaisent ; mais ils ne constituent pas une catégorie unitaire. Deux types peuvent être distingués : ceux qui ont un passé chargé, auquel ils cherchent à échapper et ceux pour qui le passé s'identifie au monde pur de l'enfance, qu'ils s'efforcent de conserver intact. Les héros d'Anouilh sont incapables de se débarrasser de leur passé. Ils sont maudits, ils appartiennent à ce passé. Prisonniers de leur passé, de leur position sociale, de leur pauvreté, ils ne trouvent autre issue que la fuite ou la mort, surtout la mort.
Les Pièces noires EurydiceAntigone et Médée sont des reprises des mythes connus, mais Anouilh en fait des œuvres modernes, où l'histoire ne joue plus le premier rôle.
Ces pièces frappent dès le début par la familiarité du ton et par le style parlé, parfois vulgaire, très éloigné du style noble et recherché, propre à la tragédie classique. Comme son maître Jean Giraudoux, Anouilh use abondamment de l'anachronisme : on y parle de cartes postales, de café, de bar, de cigarettes, de fusils, de film, de voitures, de courses, etc. De plus, les personnages portent des vêtements du XXe siècle.
Dans Antigone, Anouilh emploie pour la première fois le procédé du « théâtre dans le théâtre » qu'il emprunte àPirandello.
L'Hurluberlu ou le Réactionnaire amoureux (1957), La Grotte (1961), L'Orchestre (1962), Le Boulanger, la Boulangère et le Petit Mitron (1968) et Les Poissons rouges ou Mon père, ce héros (1970).

 

 

Antigone de Jean Anouilh : Etude du Prologue    Mr CHARAFI

Sa structure :

1) Présentation des personnages :

- présentation d'Antigone ( = héroïne)
- présentation d'Ismène
- présentation d'Hémon
- présentation de Créon
- présentation de sa femme Eurydice, de la nourrice, puis du petit page de Créon
- présentation des trois gardes
La présentation des personnages s'effectue par ordre de proximité avec Antigone. Eurydice est quand même présentée alors qu'elle n'interviendra pas dans la pièce. La nourrice qui était pourtant avec Antigone depuis sa jeunesse n'est mentionnée qu'après Eurydice, ceci s'explique sans doute par le fait que la nourrice ne fait pas partie de la famille royale.

2) Présentation de l'histoire :

temporellement et spatialement, cette présentation est résumée "d'un bloc". On y annonce que c'est une tragédie et que la mort d'Antigone, d'Hémon et d'Eurydice est inéluctable.

Analyse :

I - Différences avec la tragédie classique :

Le Prologue est comme le "réalisateur" de la pièce. La distance avec Sophocle est marquée par la familiarité des attitudes des personnages, les gardes jouent aux cartes, et Ismène bavarde, et aussi par les anachronismes.
Normalement, lors de la scène d'exposition, les personnages principaux et l'intrigue sont exposés par un dialogue qui ne s'adresse pas directement au public. Dans Antigone, elle est beaucoup plus schématique, elle est traitée d'une manière moderne, les personnages sont présentés de manière organisé par ordre de proximité avec Antigone et l'un après l'autre.
Tous les personnages sont sur la scène, mais ils sont là comme si ils n'étaient pas encore en représentation mais en coulisses.
On peut aussi noter l'écart entre le personnage d'Antigone et son actrice : "Elle pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure", "il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout..." La distance entre spectateurs et acteurs est marquée : " de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n'avons pas à mourir ce soir" Le vocabulaire du théâtre est utilisé ce qui ne nous permet pas d'oublier qu'on est au théâtre. Le suspense a été "cassé". Mais, en fin de compte, non, comme on connaît l'histoire, on a comme une espèce de supériorité par rapport aux personnages, et on ne connaît pas les réactions qu'ils vont avoir durant la scène. Anouilh le dit lui même dans Œdipe ou le Roi boiteux (Par ailleurs, on sait qu'on va voir une tragédie : la mort des personnages est annoncée et ils n'ont aucune issue pour y échapper.
Anouilh veut faire quelque chose de nouveau avec Antigone : il a écrit en prose avec un registre courant à familier alors que traditionnellement, les tragédies sont écrites en vers et avec un registre soutenu ; on découvre de nombreux anachronismes dans son œuvre comme : les trois gardes qui jouent aux cartes alors que les cartes n'existaient pas de ce temps - là et ils ont un chapeau au lieu d'un casque ; la reine tricote au lieu de s'occuper d'amour ou de politique, les gardes nous parlent de leurs enfants et de leurs femmes, ce qui ne se faisaient pas dans la tragédie classique, on nous dit qu'Ismène aime danser, ce qui est joyeux, alors que la tragédie doit être tragique ; on nous dit aussi à propos des gardes qu'ils "sentent l'ail, le cuir et le vin rouge", Anouilh traite les gardes sous un angle familier et en plus ils auront le droit à la parole dans le texte, alors que dans la tragédie classique, ils n'ont pas le droit de s'exprimer et on ne parle pas du tout de leur vie privée.

II - Les personnages


Composition de la famille royale :
Antigone et Ismène sont 2 sœurs mais elle s'éloigne à vitesse vertigineuse d'Ismène ("elle sent qu'elle s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène" ), le Roi aussi est seul, Antigone et Créon, son oncle, sont donc tous les deux seuls, et cette solitude est fondamentale.
Personnage(s) d'Antigone : Antigone petite a un "sourire triste", des "yeux graves", elle est "noiraude", "renfermée", "maigre" et "petite", c'est l'image de l'antihéros, tous ces adjectifs qualifiant Antigone connotent la mort, le tragique. Par une espèce de métamorphose, l'Antigone de mythe va "se dresser seule en face du monde", "elle va surgir", c'est vraiment une héroïne. Cette différence est beaucoup plus importante que la différence entre l'Antigone petite et sa sœur Ismène dont elle s'éloigne d'ailleurs à vitesse vertigineuse, Ismène est jeune et aurait bien aimé vivre. Antigone est destinée à mourir dès sa naissance, c'est pourquoi elle est indifférente lorsqu'elle rencontre Hémon.
Hémon : C'est quelqu'un qui restera un peu mystérieux dans toute la pièce. On peut se demander s’il aime vraiment Antigone. Le Prologue nous apprend qu'ils ne se marieront pas et que s'il n'avait choisi Ismène, il ne serait pas mort. Il est comme une espèce de pantin, il n'a pas de pouvoir alors qu'il est prince et destiné à devenir roi. C'est encore le petit garçon de son papa et de sa maman. Il n'existe pas vraisemblablement et son titre princier n'est qu'une apparence. Hémon se plie devant Antigone. Il n'a rien du jeune prince qui a de la consistance.
Eurydice : elle ne sait pas qu'elle va mourir, le regard porté sur Eurydice diffère nettement du regard qui est porté sur Hémon. On dit toujours Madame mais jamais la reine. On a l'impression que la tragédie se passe à côté d'elle et qu'elle ne la concerne pas. Elle est "bonne", "digne" et "aimante" mais cela ne la sauve pas de l'inutilité.
Créon : il ne peut s'appuyer sur personne : son fils est sans consistance, "seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui." Créon est le seul qui va monter une argumentation contre Antigone, c'est le Roi mais en fin de compte, il ne l'assume pas complètement, il se demande d'ailleurs si ce n'est pas vain de conduire les hommes. C'est un homme cultivé, il est assez ouvert et il a accepté par devoir le poste de roi.
Le Messager : il sait déjà, c'est lui qui viendra annoncer la mort d'Antigone. C'est une témoin privilégié. On peut encore noter un anachronisme : on sait quelque chose sur lui : il a le droit de rêver, d'avoir des envies et de n'avoir pas envie de faire son devoir, d'être pâle et solitaire.
Les gardes : Ils ne sont pas complètement réduits à leur fonction, on parle de choses dont on ne parlerait jamais dans la tragédie classique. Coté quotidien : Ils sentent l'ail, le cuir et le vin rouge. Anouilh insiste sur le fait qu'ils sont toujours innocents et toujours satisfaits d'eux-mêmes, de la justice. Ils ne se posent pas de questions sur l'existence. "Ils sont dépourvus de toute imagination". Anouilh insiste aussi sur leur lourdeur.

III - Conclusion :

Écart entre l'image classique que l'on a des personnages par rapport à la tragédie classique où l'on ne présente que les personnages nobles : on n'aurait présenté qu'Hémon, Créon, Eurydice, Antigone et Ismène. Exceptée Antigone, les personnages sont caractérisées par leur banalité. Dans la tragédie classique, ils sont plutôt sublimes. La conception du pouvoir est différente : dans la tragédie classique, on se bat pour le pouvoir et ici, le pouvoir est perçu comme un fardeau qu'il faut accomplir tous les jours.
Dans la suite de la pièce, Créon essaye de composer avec Antigone, il essaye de la sauver. Anouilh a voulu mettre plus d'humanité dans la tragédie.
La pièce est désacralisée : on a enlevé le coté exceptionnel des personnages de tragédie qui ne sont pas humains mais surhumains. On y faisait un mythe des personnages. Le tragique de la pièce va se concentrer dans le personnage d'Antigone, les autres personnes tiennent à leur humanité.

Étude du texte n°2 (page 24 à 28 dans l'édition de 1999 de la Table Ronde)
"

Écoute j'ai bien réfléchi ... ma petite sœur"

Antigone refuse de dialoguer : on le remarque par toutes les oppositions avec Ismène : "Moi je suis plus pondérée. Je réfléchis." // Antigone : "Il y a des fois où il ne faut pas trop réfléchir" ; "je comprends un peu" // "moi je ne veux pas comprendre un peu".
Ismène se valorise, elle dit qu'elle a toujours raison : "réfléchir", "raison", "pondérée". C'est elle qui mène le dialogue dans un premier temps : "Écoute". Ses arguments sont réalistes : elle dit que Créon n'a pas totalement tort : "Il est le roi, il faut qu'il donne l'exemple", son attitude s'explique par sa fonction de roi. Ismène est partagée : elle a une attitude réaliste presque adulte et elle essaie de comprendre les uns et les autres. Il n'y a pas de partis tranchés chez Anouilh. Dans la pièce de Sophocle, Antigone défend les lois sacrés contre la tyrannie. Ici on a une version plus "mitigée" des choses.
Antigone reprend des phrases de sa sœur de manière laconique, ces réponses ne permettent pas d'entrer dans un débat de fond avec Ismène, mais elles nous permettent de comprendre Antigone. On a l'impression qu'elle se démarque : "Moi, je ne suis pas le roi. Il ne faut pas que je donne l'exemple, moi... Ce qui lui passe par la tête, la petite Antigone, la sale bête, l'entêtée, la mauvaise, et puis on la met dans un coin ou dans un trou. Et c'est bien fait pour elle. Elle n'avait qu'à ne pas désobéir !". Elle se traite à la 3e personne en utilisant un vocabulaire péjoratif. Antigone veut nous dire qu'elle est libre : "je ne suis pas le roi", sa liberté existe depuis toujours et elle le revendique. L'affaire de Polynice n'en est qu'une partie. Elle a été depuis toujours indomptable. En fait, ce qu'elle nous dit n'est pas péjoratif pour elle. Sa sœur est présentée comme quelqu'un de plus raisonnable. Antigone ne veut pas s'enfermer dans un conformisme et faire comme tout le monde. Pour elle "comprendre" rejoint obéir et être raisonnable. Ce verbe est repris par anaphore : "Il fallait comprendre" ( x2) et il est répété 7 fois en tout dans cette tirade. Elle oppose la notion de raison à l'envie de faire ce qu'elle veut quand elle veut. Elle avait envie de tout vivre pleinement : "manger tout à la fois", "donner tout ce qu'on a", "courir jusqu'à ce qu'on tombe". Ce désir d'absolu est lié à sa jeunesse : "Je comprendrai quand je serais vieille". Elle veut braver les interdits par ses jeux d'enfants, gratuits et agréables. Ce sont des plaisirs simples : elles jouent avec les éléments naturels : l'eau (" toucher à l'eau, à la belle eau fuyante et froide"), le vent ("courir, courir dans le vent jusqu'à ce qu'on tombe par terre") et la terre. Le rôle de la Nature et de cette innocence sont importants chez Antigone. La liberté s'exprime encore par l'expression "courir, courir dans le vent". Tout ces jeux s'opposent aux règles sociales. Elle revendique la liberté de vivre naturellement et dans l'innocence face à la norme sociale donnée par Créon, contrairement à sa sœur qui accepte les règles dictées par le roi. Antigone est l'image de la jeunesse exigeante ce qui dépasse le point de vue donné par la pièce de Sophocle.
Notion de vivre : Paradoxalement, on a l'impression qu'Antigone est plus sensible à la vie que sa sœur. Elle l'affirme par des questions oratoires : "Qui se levait la première, le matin, rien que pour sentir l'air froid sur sa peau nue? Qui se couchait la dernière seulement quand elle n'en pouvait plus de fatigue, pour vivre encore un peu de la nuit? Qui pleurait déjà toute petite, en pensant qu'il y avait tant de petites bêtes, tant de brins d'herbe dans le pré et qu'on ne pouvait pas tous les prendre? " Elle trouve le temps trop court et elle veut donc le vivre au maximum : "la première, le matin", "la dernière [...] quand elle n'en pouvait plus de fatigue, pour vivre encore un peu de la nuit". Elle se présente comme la petite fille qui ne grandira pas. Pour elle vieillir, c'est devenir Ismène. Elle utilise l'imparfait pour dire à Ismène que c'était la dernière fois qu'elle faisait cela. Elle veut vivre pleinement le temps avec la nature, elle est en osmose avec elle, rien ne les séparent : "peau nue". Contrairement à Ismène qui est belle par son artifice : "belle robe". Elle veut vivre de la nuit, où elle est seule à seul avec la nature, comme si elle en tirait son énergie vitale. Ce désir de communion, de familiarité avec la nature s'exprime dans ce qu'elle a de plus commun : "petites bêtes". On retrouve cette notion de pureté et d'innocence d'Antigone.
Le type de dialogue entre les 2 personnages marquent bien le fossé qui les écartent. Ceci était déjà exprimé dans le prologue.
Dans deux tirades, Ismène manifeste sa peur. Dans la première : sa peur vient du conformisme : "ils pensent tous comme lui" et du collectif qu'elle dévalorise : "des milliers et des milliers [...] grouillant". Elle vient de la loi du nombre, le nombre est relié par la taille de la ville : "dans toutes les rues de Thèbes", "dans la ville". Elle y utilise le "nous", elle se sent proche de sa sœur, elle n'a plus cette innocence. Dans la deuxième tirade : elle évoque la foule : elle essaie d'impressionner Antigone par la quantité : "mille bras", "mille visages", "unique regard", ils regardent tous Antigone avec leurs deux mille yeux : ceci exprime encore la peur du conformisme. Ce vocabulaire haineux, du mépris, doit faire peur à Antigone : "cracheront à la figure", "leur haine". Elle a peur des gardes qui l'enverront jusqu'à la mort : "supplice", elle les décrit comme des animaux qui ont la tête gonflée, qui ne réfléchissent pas : "regard de bœuf", "têtes d'imbéciles" et comme des gens grossiers, patauds, qui manquent de délicatesse : "grosses mains lavées", "cols raides". C'est son imaginaire qui la conduit et elle est déjà au stade du supplice où elle est accompagnée par les gardes dans la charrette qui sont une autre représentation de Créon. Elle a surtout peur de souffrir.

Tirade de Créon page 68 : "L'orgueil d'Œdipe [...] il n'y a pas si longtemps"

Quelques remarques

Dans cette tirade, Créon démontre que la fatalité est révolue. Le mythe est dévalorisé ainsi que le tragique. Il traite Antigone comme une enfant. Il prend la place de son père, il accuse Antigone de s'assimiler à Œdipe et donc d'obéir à la fatalité qui est cherchée par Antigone.

Commentaire

Introduction

Les gardes sont venus avec Antigone et Créon est bien embêté. Il est mis au défit par Antigone. Créon pense qu'Antigone imagine ne rien risquer à cause de sa qualité de fille d'Œdipe, Antigone nie, d'où l'expression l'orgueil d'Œdipe. Nous étudierons successivement Créon vis-à-vis du mythe par rapport à sa fonction de Roi et son attitude à l'égard d'Antigone.

I - Créon vis-à-vis du mythe par rapport à sa fonction de Roi

Créon reprend les éléments du mythe : "tuer votre père", "coucher avec votre mère", "apprendre tout cela après", "se crever les yeux", "aller mendier sur les routes", "un messager crasseux dévale ..." où l'on découvre le besoin de tête à tête avec le destin et la mort d'Antigone.
Le mythe est présenté avec un côté malsain : "breuvage", "boit goulûment", "avidement" comme si il procurait du plaisir lors de sa dégustation, ce qui est paradoxal : on prend plaisir avec ce qui va faire le malheur. Le registre familier est utilisé : "hein", ce qui a pour effet de désacraliser le mythe.
Quand on s'appelle Œdipe ou Antigone, l'orgueil, d'être au-dessus des autres, nourrit le plaisir. Le malheur humain, c'est trop peu pour eux. "l'humain vous gêne aux entournures dans la famille" : la nature humaine est trop étroite, ils sont à l'aise avec des choses qui n'arrivent pas aux autres.
"le plus simple après, c'est encore...", quelque chose qui a du être terrible pour Œdipe serait simple ? Oui : C'est tourner le dos à la vérité, il met un voile parce que la vérité est très aveuglante. Créon le traite de manière ironique, à la légère, il refuse ce mythe. Créon utilise le "votre" qui a pour effet de mettre Antigone dans le même panier que son père. Il utilise des infinitifs, qui généralisent comme si ça arrivait tous les jours. Le messager est dévalorisé : par l'adjectif "crasseux" et l'expression "dévale du fond des montagnes". "regarder ta tante sous le nez", pour vérifier l'identité de sa tante, expression familière qui dévalorise, confronter les dates est une attitude familière.
Conception du pouvoir de Créon : "Et bien non", on passe de l'époque du mythe au non-événement. Le pathétique éveille la pitié à l'égard des faibles, Créon dévalorise le tragique. Créon a une attitude réaliste : "les deux pieds par terre", "les mains [...] dans mes poches". Il est comme quelqu'un qui ferait son métier comme un paysan. Son objectif est de remettre de l'ordre dans le monde.

Étude Texte 6 : dernier échange entre Antigone et le garde ("Écoute... (p.

110) Et c'est à qui qu'elle est adressée ? (p. 117))

Tout d'abord, quelques remarques sur ce qui précède :

On remarque que le garde est omnibulé par son avenir, son avancement, il ne pense qu'à lui. Il emploie du vocabulaire familier. Il a quelque chose de comique qui est pitoyable, son discours est presque caricatural, Antigone ne s'y intéresse pas. Le garde en est dévalorisé. L'embrouillement des sonorités traduit l'embrouillement qui règne dans sa tête. Il est aux antipodes des pensées d'Antigone. Il est profondément indifférent à l'égard du tragique, comparable à l'indifférence de Créon qui se remet à sa tâche comme si rien ne s'était passé (voir p. 122). On remarque encore des anachronismes, notamment avec le terme "allocations".

Écart des tonalités entre les deux personnages

Attitude du garde dans ce passage :

Antigone a arrêté son discours : "Écoute." Le garde essaie de se mettre à l'abri de ce qu'elle dit ensuite, alors que ce qu'elle dit n'est pas banal et devrait renvoyer à sa propre mort. C'est comme si il était complètement imperméable à ce que dit Antigone, il poursuit son argumentation comme si elle (son argumentation) échappait complètement au garde. Le monde est indifférent, il laisse Antigone seule.
Tout ce qu'il lui dit constitue les éléments de son propre bonheur : la considération (= être reconnu), être presque un fonctionnaire. Mais on peut comprendre cela comme péjoratif sous le regard d'Anouilh et d'Antigone, son bonheur est constitué par du quotidien. Il crée un anachronisme (police // gendarmerie) (sergent // garde). Le garde répond sans tact comme si ça ne concernait pas Antigone. Il le dit de manière abrupte, par exemple : "pour ne pas se souiller", c'est une remarque inutile et blessante pour Antigone. On peut penser qu'il aurait été compréhensif avec Antigone s'il s'était arrêter à "Je ne sais pas" mais il poursuit et raconte des choses dont il n'est même pas certain et en plus, il raconte des choses horribles : "vous murer dans un trou" et il le dit directement comme si Antigone n'était pas concernée par ce sort.
Le garde possède une espèce de balourdise, ce qu'il fait qu'il se sent obligé de donner des précisions : "d'abord". Ceci est souligné par la didascalie : "Le garde se fait une chique", il s'en moque, il vit son petit bonheur. Lorsque Antigone le questionne sur le mal pour mourir : il ramène ça à lui. Ce qu'il dit est décribilisé : "Je ne peux pas vous dire" mais il le dit tout de même : "Pendant la guerre, ceux qui étaient touchés au ventre, ils avaient mal.", ça ne le dérange pas de dire des choses horribles comme elles ne le concernent pas : "Moi, je n'ai jamais été blessé". Il y a quelque part quelque chose d'odieux du garde envers Antigone, mais ce n'est pas par méchanceté, c'est par balourdise. Sans cesse, il revient à l'obsession de l'avancement, il est caricaturé, et ces répétitions doivent provoquer des rires. Le garde n'a pas d'épaisseur psychologique, au delà de son côté affectif, Créon n'a pas de grande profondeur.
Là encore, l'accent est mis sur le sort des gardes et non pas d'Antigone. Le garde insiste sur ce que va vivre les gardes qui surveilleront le "tombeau nuptial" d'Antigone, "en plein soleil". Il a pitié à l'égard de ceux qui vont devoir garder la caverne, et cette pitié est mélangée à une espèce de revendication, de râlerie. Il reste centré sur ces problèmes internes de fonctionnement. "Étonnez-vous", ce "vous" s'adresse à Antigone, c'est plus important pour lui que sa mort, il l'implique dans ces problèmes. Ça semble donner une importance considérable à tous ces problèmes. Quelque part, il recherche l'approbation explicite d'Antigone par les exclamatives : "Elle a bon dos, la garde !". La didascalie renvoie à la précédente : "qui a fini sa chique", Antigone est "soudain lasse".
Le discours du garde agit comme une mécanique indépendante d'Antigone alors que plus haut, on avait un désir de dialogue.

Antigone :

Ses questions à propos de sa mort vivante sont au cœur de l'essentiel. Elles expriment la teneur devant le sort qui l'attend par rapport à l'éloignement du garde. Elle va au plus direct : elle donne des réponses courtes.
Anouilh a voulu reprendre le désarroi d'Antigone, présent chez Sophocle, il utilise 3 fois "Ô". L'expression "lit nuptial" renvoie aux noces : elle se marie avec la mort, ce sera son mari, ceci connote comme une espèce d'amour envers ce destin. Parallélisme entre la nuit d'amour et la nuit de mort : Hémon va se tuer pour Antigone (p. 119). Le bonheur absolu ne peut qu'engendrer la mort. Ça montre bien que la mort était destinée au mariage. C'est ce bonheur suprême qu'elle évoquait précédemment pour désigner Hémon. Pour mourir, elle sera "toute seule", mais mourir avec Antigone ne la gênerait pas : "Elle s'entoure de ses bras". Elle peut être davantage elle même ? C'est quelqu'un qui a besoin d'absolu (comme un grand marin, un alpiniste de haute montagne...) et qui n'a donc pas peur de la mort. En quelque sorte, elle s'approprie la mort.

La Lettre

Le garde :

On note toujours cette même indifférence. En plus, ce n'est pas lui qui risque gros mais Antigone. Il demande si la bague qu'elle lui donne est en or, connote la corruption. La position de principe paraît simple : il est garde et sa cupidité plus sa corruption font qu'il transige. Le garde rejoint l'art de l'arrangement qui est celui de Créon. Le garde répète les phrases d'Antigone et les commente, il les écrit sans comprendre. Anouilh utilise un procédé comique : un élève qui écrit une dictée : "suce sa mine", "répète lentement", "peine sur sa dictée", "écrit suçant sa mine". Le fait de répéter de sa grosse voix qui devrait être pathétique dévalorise et désacralise sa lettre. Les commentaires du garde sont dévalorisants et ignobles. Anouilh en fait une espèce de généralisation qui efface le poids de la mort d'Antigone. Lorsque le garde lui dit que "C'est une drôle de lettre", il dévalorise les dernières paroles d'Antigone.

Évolution d'Antigone

D'une part, Créon est comme réhabilité : "Créon avait raison". Elle se rend compte que "c'était simple de vivre...". Et d'autre part, c'est se révéler, elle avoue qu'elle n'est pas si certaine et si intransigeante qu'elle le disait auparavant. Elle dit même "Pardon" pour ce qu'elle a fait, elle se rend compte qu'elle a fait une erreur, qu'elle a blessé Hémon et qu'elle a vécu pour elle même et non pas pour les autres. "Sans la petite Antigone, vous auriez tous été bien tranquilles." Elle se considère comme quelqu'un qui les empêche de vivre. La tranquillité, ça veut dire aussi que la petite Antigone est là pour rappeler qu'il faut vivre une vie absolue et non pas une vie pépère. Elle "raye" en quelque sorte sa peur par rapport aux autres. Mais est-ce qu'elle le raye dans son esprit ? Cette ambiguïté semble perçue par le garde qui dit "c'est une drôle de lettre." Et Antigone le lui confirme.
Quelque part, ça lui donne une humanité qu'elle n'avait pas auparavant, cela renforce le tragique de la pièce. En fait, le véritable destinataire de la lettre, c'est le spectateur, c'est un subterfuge pour connaître les états d'âmes d'Antigone

Antigone de Jean Anouilh


Fiche signalétique d'Antigone :

Le texte de référence est celui publié par les Éditions de la Table Ronde, en 1999.
La pièce est composée sous sa forme quasi-définitive en 1942, et reçoit à ce moment l'aval de la censure hitlérienne. Elle n'est jouée la première fois que deux ans après, le 4 février 1944, au théâtre de l'Atelier à Paris, sans doute à cause de difficultés financières. Après une interruption des représentations en août 1944, due aux combats pour la libération de Paris, elles reprennent normalement.
Antigone sera ensuite à nouveau représenté à Paris en 1947, 1949 et 1950 mais aussi dès mai 1944 à Bruxelles, en 1945 à Rome, et en 1949 à Londres.

Le contexte historique :

Antigone est une pièce des années noires, lorsque la France connaît la défaite face aux armées nazies et elle tombe sous l'Occupation. Nous étudierons d'une part l'Occupation : la situation générale et ensuite la radicalisation du régime de Vichy et d'autre part les origines historiques de la pièce.
En 1942, Jean Anouilh réside à Paris, qui est occupée par les Allemands depuis la débâcle de 1940 et l'Armistice.La République a été abolie et remplacée par l'État français, sous la direction du maréchal Pétain. La France est alors découpée en plusieurs régions : une zone libre au Sud, sous l'administration du régime de Vichy, une zone occupée au Nord, sous la coupe des Allemands, une zone d'administration allemande directe pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais, rattachés à la Belgique, une zone annexée au Reich : l'Alsace-Lorraine et enfin, une zone d'occupation italienne dans le Sud-Est (Savoie).
Refusant l'Armistice et le gouvernement de Vichy, le général Charles de Gaulle lance un appel aux Français le 18 juin 1940 depuis Londres et il regroupe ainsi autour de lui les Forces françaises libres (F.F.L.). C'est le début de la Résistance. Le 23 septembre 1941, un "Comité national français" a été constitué, c'est une première étape vers un gouvernement en exil. En métropole, la Résistance s'organise, tout d'abord de façon indépendante et sporadique (qui se produit occasionnellement), puis en se rapprochant de de Gaulle sous la forme de réseaux, commeCombat. En 1942, le mouvement a déjà pris une certaine ampleur qui se manifeste par des actes de sabotage et des attentats contre des Allemands et des collaborateurs ; l'armée d'occupation réplique par des représailles massives et sanglantes.
L'année 1942, marque un tournant décisif dans cette période. Les rapports de force se sont modifiés, car les États-Unis viennent de déclarer la guerre à l'Allemagne. En France, le 19 avril 1942, Pierre Laval revient au pouvoir après une éclipse d'un an et demi et accentue la collaboration avec Hitler. Dans un discours radiodiffusé le 22 juin 1942, il déclare fermement : "Je souhaite la victoire de l'Allemagne" et il crée le Service du travail obligatoire (S.T.O.) pour l'aider en envoyant des ouvriers dans leurs usines de guerre. La rafle du Vél. d'Hiv. le 16 juillet 1942 envoie des milliers de juifs, via Drancy, dans les camps de concentration de d'extermination.
Ce n'est qu'en 1944 que nazis et collaborateurs subissent de véritables revers. Le Comité national de la Résistance(C.N.R.), institué le 15 mai 1943, fédère les différentes branches de la lutte antinazie et prépare l'après-guerre. Le 6 juin 1944, le débarquement des Alliés en Normandie déclenche l'insurrection des maquis en France et organise la reconquête du territoire français. Paris se soulève avant le moment prévu et se libère seul fin août 1944.
Avant même que la guerre ne soit terminée, l'épuration se met en place : de nombreux sympathisants du régime de Vichy sont jetés en prison et condamnés, certains sont exécutés, parfois sans procès ; les milieux culturels (journalistes, écrivains et acteurs) ne sont pas épargnés. C'est dans ce climat troublé que de Gaulle regagne la France et en assure dans un premier temps le gouvernement.

                                                                                        Antigone/Ismène video
C'est à un acte de résistance qu'Anouilh doit l'idée de travailler sur le personnage d'Antigone. En août 1942, un jeune résistant, Paul Collette, tire sur un groupe de dirigeants collaborationnistes au cours d'un meeting de la Légion des volontaires français (L.V.F.) à Versailles, il blesse Pierre Laval et Marcel Déat. Le jeune homme n'appartient à aucun réseau de résistance, à aucun mouvement politique ; son geste est isolé, son efficacité douteuse. La gratuité de son action, son caractère à la fois héroïque et vain frappent Anouilh, pour qui un tel geste possède en lui l'essence même du tragique. Nourri de culture classique, il songe alors à une pièce de Sophocle, qui pour un esprit moderne évoque la résistance d'un individu face à l'État. Il la traduit, la retravaille et en donne une version toute personnelle.
La nouvelle Antigone est donc issue d'une union anachronique, celle d'un texte vieux de 2400 ans et d'un événement contemporain.

Présentation de la pièce :

Il faut garder en mémoire que dans la pièce de Sophocle le personnage tragique n'est pas Antigone, mais Créon. Comme Œdipe, son neveu, dont il prend la suite, Créon s'est cru un roi heureux. En cela, il fait preuve de "démesure" (ubris, en grec), pour cela il doit être puni. Antigone est l'instrument des dieux, Hémon le moyen, Créon la victime. Lui seul est puni en fin de compte. La mort d'Antigone n'est en rien une punition, puisqu'elle n'a commis aucune faute, au regard de la loi divine - au contraire. La tragédie est celle d'un homme qui avait cru à son bonheur et que les dieux ramènent aux réalités terrestres.
Représentée dans un Paris encore occupé, Antigone à sa création a suscité des réactions passionnées et contrastées. Le journal collaborationniste Je suis partout porte la pièce aux nues : Créon est le représentant d'une politique qui ne se soucie guère de morale, Antigone est une anarchiste (une "terroriste", pour reprendre la terminologie de l'époque) que ses valeurs erronées conduisent à un sacrifice inutile, semant le désordre autour d'elle. Des tracts clandestins, issus des milieux résistants, menacèrent l'auteur. Mais simultanément, on a entendu dans les différences irréconciliables entre Antigone et Créon le dialogue impossible de la Résistance et de la collaboration, celle-là parlant morale, et celui-ci d'intérêts. L'obsession du sacrifice, l'exigence de pureté de l'héroïne triomphèrent auprès du public le plus jeune, qui aima la pièce jusqu'à l'enthousiasme. Les costumes qui donnaient aux gardes des imperméables de cuir qui ressemblaient fort à ceux de la Gestapo aidèrent à la confusion. Pourtant, même sur ces exécutants brutaux Anouilh ne porte pas de jugement : "Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l'heure. Ils sentent l'ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d'eux-mêmes de la justice.". Et ne pas juger ces "auxiliaires de la justice", les excuser même, un an après la rafle du Vel'd'Hiv peut paraître un manque complet de sensibilité - ou la preuve d'une hauteur de vue qui en tout cas démarque la pièce de l'actualité immédiate.
Même si les positions politiques ultérieures d'Anouilh, et tout son théâtre, plein de personnages cyniques et désabusés, le situent dans un conservatisme ironique, on peut postuler qu'Antigone est en fait une réflexion sur les abominations nées de l'absence de concessions, que ce soit au nom de la Loi (Créon) ou au nom du devoir intérieur (Antigone). C'est le drame de l'impossible voie moyenne entre deux exigences aussi défendables et aussi mortelles, dans leur obstination, l'une que l'autre.

Structure de la pièce :

Anouilh a repris le cadre général de la pièce de Sophocle. Le rideau s'ouvre au petit matin sur la ville de Thèbes, juste après la proclamation du décret de Créon, au sujet duquel Antigone s'oppose à sa sœur Ismène. Créon apprend d'un garde que le corps de Polynice a reçu les hommages funèbres, puis voit Antigone amenée devant lui et la condamne à mort. Hémon vient supplier son père, sans succès et s'enfuit. Antigone fait une dernière apparition, puis marche vers la mort. Un messager apporte sur scène la nouvelle du suicide d'Hémon, puis de la reine. Le rideau tombe sur Créon, qui reste seul sur une scène dévastée.
Le texte d'Anouilh se présente comme une suite ininterrompue de répliques, sans aucune des divisions formelles qui font la tradition du théâtre français. Sans acte, sans scène, Antigone se veut dans sa présentation le récit continu d'une journée où se joue le destin de l'héroïne.
Anouilh ne se propose toutefois pas de révolutionner l'écriture théâtrale, et l'absence de divisions n'est qu'affaire de forme. La pièce se déroule de façon classique, rhytmée par les entrées et les sorties des personnages, qui permettent de restituer l'architecture traditionnelle des scènes et de proposer la numérotation suivante :

 

Les personnages de la pièce

Les relations entre personnages sont en partie imposées par le modèle de Sophocle et la mythologie. Les liens de parenté ne sont aucunement modifiés, et l'on retrouve le traditionnel tableau de famille des Lardacées.

Antigone :

Personnage central de la pièce dont elle porte le nom, Antigone est opposée dès les premières minutes à sa sœur Ismène, dont elle représente le négatif. "la petite maigre", "la maigre jeune fille moiraude et renfermée" (p. 9), elle est l'antithèse de la jeune héroïne, l'ingénue, dont "la blonde, la belle, l'heureuse Ismène" est au contraire l'archétype.
Comme Eurydice, comme Jeanne d'Arc dans L'Alouette, elle a un physique garçonnier, sans apprêts : elle aime le gris : "C'était beau. Tout était gris", "monde sans couleurs", "La Nourrice (...) Combien de fois je me suis dit : "Mon Dieu, cette petite, elle n'est pas assez coquette ! Toujours avec la même robe et mal peignée", Antigone le dit elle même : "je suis noire et maigre".
Opiniâtre, secrète, elle n'a aucun des charmes dont sa sœur dispose à foison : elle est "hypocrite", a un "sale caractère", c'est "la sale bête, l'entêtée, la mauvaise". Malgré cela, c'est elle qui séduit Hémon : elle n'est pas dénuée de sensualité, comme le prouve sa scène face à son fiancé, ni de sensibilité, dont elle fait preuve dans son dialogue avec la Nourrice.
Face à Ismène, Antigone se distingue au physique comme au moral, et peut exercer une véritable fascination : Ismène lui dit : "Pas belle comme nous, mais autrement. Tu sais bien que c'est sur toi que se retournent les petits voyous dans la rue ; que c'est toi que les petites filles regardent passer, soudain muettes sans pouvoir te quitter des yeux jusqu'à ce que tu aies tourné le coin." (pages 29-30)
Comme le basilic des légendes, dont le regard est mortel, Antigone pétrifie et stupéfait, car elle est autre. Son caractère reçoit cette même marque d'étrangeté qui a séduit Hémon et qui manque à Ismène, ce que Créon appelle son orgueil. Quelque chose en elle la pousse à aller toujours plus loin que les autres, à ne pas se contenter de ce qu'elle a sous la main : "Qu'est-ce que vous voulez que cela me fasse, à moi, votre politique, votre nécessité, vos pauvres histoires ? Moi, je peux encore dire "non" encore à tout ce que je n'aime pas et je suis seule juge." (p. 78)
Cette volonté farouche n'est pas tout à fait du courage, comme le dit Antigone elle-même (p. 28) ; elle est une force d'un autre ordre qui échappe à la compréhension des autres.

Ismène :

Elle "bavarde et rit", "la blonde, la belle" Ismène, elle possède le "goût de la danse et des jeux [...] du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi", elle est "bien plus belle qu'Antigone", est "éblouissante", avec "ses bouclettes et ses rubans", "Ismène est rose et dorée comme un fruit".
"sa sœur" possède une qualité indomptable qui lui manque : elle n'a pas cette force surhumaine. Même son pathétique sursaut à la fin de la pièce n'est pas à la hauteur de la tension qu'exerce Antigone sur elle-même : "Antigone, pardon ! Antigone, tu vois, je viens, j'ai du courage. J'irai maintenant avec toi. [...] Si vous la faites mourir, il faudra me faire mourir avec elle ! [...] Je ne peux pas vivre si tu meurs, je ne veux pas rester sans toi !" (pages 97-98).
C'est sa faiblesse même, et non sa volonté, qui la pousse à s'offrir à la mort. Antigone le voit bien, et la rudoie avec mépris : "Ah ! non. Pas maintenant. Pas toi ! C'est moi, c'est moi seule. Tu ne te figures pas que tu vas venir mourir avec moi maintenant. Ce serait trop facile ! [...] Tu as choisi la vie et moi la mort. Laisse-moi maintenant avec tes jérémiades." (page 98)
Les deux rôles féminins de la pièce sont diamétralement opposés. Ismène est une jolie poupée que les événements dépassent. Antigone au contraire est caractéristique des premières héroïnes d'Anouilh : elle est une garçonne qui dirige, mène et vit son rôle jusqu'au bout.

Créon :

"son oncle, qui est le roi", "il a des rides, il est fatigué", "Avant, du temps d'Œdipe, quand il n'était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes".
C'est un souverain de raccroc, tout le contraire d'un ambitieux. Besogneux et consciencieux, il se soumet à sa tâche comme à un travail journalier, et n'est pas si différent des gardes qu'il commande. "Thèbes a droit maintenant à un prince sans histoire. Moi, je m'appelle seulement Créon, Dieu merci. J'ai mes deux pieds sur terre, mes deux mains enfoncées dans mes poches, et, puisque je suis roi, j'ai résolu, avec moins d'ambition que ton père, de m'employer tout simplement à rendre l'ordre de ce monde un peu moins absurde, si c'est possible." (pages 68 et 69)
Au nom du bon sens et de la simplicité, Créon se voit comme un tâcheron, un "ouvrier" du pouvoir (page 11). Il revendique le manque d'originalité et d'audace de sa vision, et plaide avec confiance pour la régularité et la banalité de l'existence. Sa tâche n'est pas facile, mais il en porte le fardeau avec résignation.
Personnage vieilli, usé, il se distingue par sa volonté d'accommodement ; mais il avoue aussi avoir entretenu d'autres idéaux : "J'écoutais du fond du temps un petit Créon maigre et pâle comme toi et qui ne pensait q



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